Ridley Scott fit ses débuts avec un film napoléonien.

Tiré de la nouvelle de Joseph Conrad Le Duel, Les duellistes est le premier film de Ridley Scott. Sorti en 1977, il raconte l’histoire de deux lieutenants de l’armée napoléonienne, Hubert et Féraud. Gabriel Féraud vient de gagner un duel face au neveu du maire de Strasbourg. En représailles et malgré la loyauté de la confrontation, le lieutenant Armand d’Hubert se voit ordonner de mettre aux arrêts Féraud. Outré, celui-ci le défie en duel. La confrontation entre Hubert et Féraud s’étalera sur plus de 15 ans, en parallèle de l’épopée napoléonienne.

Les duellistes, un film « beau ».

C’est à l’âge de 40 ans que Ridley Scott à l’occasion de réaliser son premier long-métrage. Ayant fait ses armes à la BBC et dans la publicité, le voilà enfin à la tête d’un film, Les duellistes. Tourné en Dordogne, celui-ci est porté par les excellentes interprétations d’Harvey Keitel et de Keith Carradine encore à leurs débuts de carrière.

À l’instar du premier film de son frère Tony Les prédateurs (dont j’ai fais la revue), Les duellistes est magnifique. La reconstitution historique est palpable. Le travail sur les uniformes et les manœuvres militaires a été acclamé. La photographie est de toute beauté, ce grain rugueux décuple l’immersion dans ce début de XIXe siècle. La réalisation principalement en plans fixes utilise de lents travellings pour se déplacer. Ainsi, chaque plan est un tableau dans la composition rappelle les plus grandes œuvres de David. Le dernier plan du film est un bijou de la composition d’une image.

Ce n’est pas sans rappeler Barry Lyndon, dont les similitudes s’étendent jusqu’au rythme et aux interventions du narrateur. Une influence tout à fait assumé de la part de Ridley Scott : « Ce film s’inspire beaucoup de Barry Lyndon. Mais qui n’aurait pas été influencé ?  Cela vient du fait que nous avons les mêmes références. Celles de Kubrick sont les peintres, par conséquent ce sont devenues aussi les miennes. »

Harvey Keitel (Féraud) et Keith Carradine (Hubert).

Une vision réaliste qui se fait rare.

Loin des duels capillotractés du cinéma moderne où les protagonistes s’affrontent pendant des heures sans jamais se fatiguer, Les duellistes mise sur une approche réaliste de la joute. Les personnages ont peur de se blesser. Ils se jaugent, s’analysent, prennent leur temps et quand ils passent à l’attaque, la confrontation est brève. Lors des combats, Ridley Scott à l’intelligence de passer des plans fixe à des prises de vues caméra à l’épaule. Cela contraste totalement avec les scènes calmes et renforce la sensation de panique des affrontements.

Quand l’un est blessé, il n’est plus en état de se battre et le duel est interrompu. Cette approche réaliste est à féliciter tant elle est rare. L’avancée de l’intrigue en parallèle avec les conquêtes napoléoniennes permet une recontextualisation constante et un épaississement du caractère d’Hubert, là où Féraud ne change que peu son fusil d’épaule.

Il est amusant de constater à quel point la querelle part d’un rien pour devenir une obsession maladive. C’est encore une fois criant de réalisme.

Le chapitre de la campagne de Russie est brillant. Moi-même passionné par l’épopée de l’empereur, j’ai ressenti le cauchemar d’Hubert et Féraud dans cette Russie glaciale. Le temps n’est plus à la querelle mais à la survie. Allant jusqu’à la Restauration, la paranoïa constante entre Bonapartistes et Royalistes est également bien retranscrite.

Les duellistes n’est pas exempt de défaut. Il souffre de quelques longueurs et aurait gagné à être un plus dynamique. C’est d’ailleurs le reproche que je pourrais faire à pas mal des films de Ridley Scott, ils sont un peu longuets. Mais c’est un faible point négatif en comparaison des points positifs.

Ridley Scott et ses acteurs.

Les débuts réussis d’un grand.

Entre Blade Runner, Alien, Thelma & Louise, Gladiator ou La chute du faucon noir, Ridley Scott est l’un ci ne n’est le réalisateur le plus éclectique qui soit. Au milieu de ces immenses succès critiques et commerciaux se cache le petit Les Duellistes. S’il a été acclamé par les critiques et récompensé à Cannes, il n’a pas eu un grand succès commercial. Raison pour laquelle vous n’en avez sans doute pas ou peu entendu parler.

Après avoir à mon goût raté sa décennie 2010, Ridley Scott a commencé ces années 2020 avec les deux bons films House of Gucci et Le Dernier Duel. Après leurs visionnages, j’ai eu envie de me replonger dans sa filmographie et commencer de ce fait par son tout premier long-métrage.

Amateurs de cinéma, de Ridley Scott ou d’histoires se déroulant à l’époque de notre 1er empire, je vous invite à découvrir Les Duellistes séance tenante.

Ma note pour Les duellistes : 15,5/20

Les duellistes sur Allociné : https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=7474.html

Michel-Ange LUBRANO