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Black Rain de Ridley Scott (1989) : Michael Douglas au Japon

février 24, 2022

1989, Ridley Scott termine sa traversée du désert avec le film policier Black Rain.

À l’aube des années quatre-vingt-dix, le célèbre réalisateur Ridley Scott se trouvait dans une traversée du désert. Après l’immense succès de Blade Runner en 1982, Scott a enchainé les déceptions critiques. Suite à une incursion ratée dans le fantastique avec Legend, il tente de redorer son blason en adaptant des scénarios plus réalistes. Après le mitigé Traquée sorti en 1987, il nous revient en 1989 avec Black Rain, l’histoire de deux policiers américains se retrouvant dans une histoire de yakuzas à Osaka.

Michael Douglas au Japon

Black Rain, un film mineur de la filmographie de Scott.

De bonnes idées.

Ayant visionné peu ou prou tous les classiques de Ridley Scott, je m’attaque à la seconde partie de sa filmographie. En grand fan de Michael Douglas (notamment pour Basic Instinct et Chute Libre), j’ai voulu savoir ce que donnerait un film policier avec lui dirigé par Scott. Je ne pourrais dire que je suis déçu étant donné que je n’en attendais pas grand-chose. Black Rain n’est jamais cité lorsqu’on parle de Ridley Scott et pour cela je ne me suis pas fixé d’attentes.

C’est un film « Meh », je m’explique. L’histoire met en scène deux policiers new-yorkais, Nick et Charlie, joué par Michael Douglas et Andy Garcia. Ceux-ci vont capturer à New York un yakuza nommé Sato. Ils sont ensuite chargés de le ramener au Japon mais à peine arrivé, celui-ci s’enfuit et nos deux compères vont devoir le retrouver. La tâche sera compliquée dans un pays dont ils ignorent la langue et les us et coutumes.

Sur le principe, l’idée de mettre en scène ce choc culturel est une excellente idée. Mais comme une idée seule n’a aucun intérêt, voyons son traitement. J’ai beaucoup aimé la volonté de nous plonger dans le même état d’incompréhension que les personnages. Les dialogues en japonais n’étant quasiment jamais sous-titrés (sauf exceptions), on se retrouve dans l’attente d’une traduction comme Nick et Charlie. Ken Takamura dans le rôle de Masa complète le trio. C’est un bon policier coincé entre son envie d’aider les Américains et la tradition d’omerta des autorités japonaises sur leurs propres contradictions.

Michael Douglas et Andy Garcia dans Black Rain

Classique de chez classique.

Le scénario est extrêmement classique. Les relations entre les personnages sont crédibles bien que Nick soit vraiment désagréable par moments. Le scénario use d’un fusil de Tchekhov extrêmement classique pour nous donner un sentiment de satisfaction. Il s’agit ici des aptitudes de Nick à la moto, qui lui serviront à vaincre deux fois ses adversaires.

Définition du fusil de Tchekhov : le fusil de Tchekhov (ou loi de conservation des détails) est un principe dramaturgique, attribué au dramaturge russe Anton Tchekhov, selon lequel chaque détail mémorable dans un récit de fiction doit être nécessaire et irremplaçable et où aucun de ces éléments ne peut être supprimé. On parle de fusil en partant du principe que « si vous voyez un fusil accroché a une cheminée au début d’un film, vous pouvez être sûr qu’il devra servir à un moment de l’intrigue ».

C’est un procédé tellement systématique qu’il devient complètement banal et parfois même ennuyeux.

Les motards face à Douglas et Garcia Le plan iconique de Black Rain.

Le défaut de Ridley Scott.

Black Rain est un bon film, mais quand on sait qu’il est de Ridley Scott, on va forcément le comparer au reste de sa filmographie.

Il montre vite ses limites. L’écriture est assez bancale, on avance dans l’intrigue sans vraiment ressentir d’enjeux dramatiques. Michael Douglas a un look de punk à chien sale, c’est assez déconcertant (justifié dans le scénario). Le problème est que le film est en pilotage automatique. À l’exception de la dernière scène de Charlie qui m’a surpris tant je ne m’attendais pas à cette tournure, tout le reste se voit à des kilomètres. On sait d’avance que cela va bien finir entre Nick et Masa. On sait qu’il y aura une course de motos pour clôturer le fusil de Tchekhov de l’introduction. Tous les artifices de scénarios se sentent, cela ternit notre expérience.

Enfin, Black Rain jouit d’un problème que je trouve commun à l’ensemble des films de Ridley Scott, il est trop long. Et quand je dis l’ensemble de ses films, je ne plaisante pas. Que ce soit Alien, Thelma & Louise, Les Duellistes, Gladiator, Blade Runner, ou ses deux derniers House of Gucci et Le Dernier Duel, j’ai systématiquement envie de les réduire d’un quart d’heure. Ils ont tous ces moments de flottements un peu ennuyants. Tous les films que j’ai cités sont soit excellents, soit des chefs-d’œuvre. Ces quarts d’heure de flottement ne sont donc pas très gênants. Mais dans le cas d’un Black Rain qui est moyen (pour un Ridley Scott), on peut bailler.

Post-scriptum : si j’ai pu paraître dur envers Black Rain, c’est uniquement car il est de Ridley Scott. En dehors de son inscription dans une filmographie si incroyable, c’est un très bon film.

Sato dans Black Rain

Conclusion.

Pour conclure cette critique et en dépit des points négatifs, Black Rain est un bon film. Il a la lourde tâche de s’inscrire dans la filmographie de l’immense Ridley Scott mais en éclipsant ce point, il en devient très bon. Il contient toutes les qualités d’un film de Scott, il est beau, bien réalisé, les acteurs sont bien dirigés et on passe un bon moment. Il vous sera agréable à regarder si vous aimez Michael Douglas, Andy Garcia et que vous ne voulez pas vous triturer la cervelle. C’est un Ridley Scott mineur que je vous invite à découvrir si vous avez déjà visionné tous ses classiques.

Ma note pour Black Rain : 14/20

Retrouvez ma critique du premier film de Ridley Scott, Les Duellistes.

Michel-Ange LUBRANO