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Psychose d’Alfred Hitchcock (1960) : Le sommet

avril 17, 2022

En l’année de grâce 1960, sort un des plus grands films de l’histoire, Psychose

Au travers de mes chroniques Youtube et des films que je visionne, je constate à quel point l’année 1960 fut riche en grands films. Entre Les yeux sans visages, La vérité, Le Trou, Rocco et ses frères ou Les sept mercenaires, 1960 fut une année extraordinaire. Mais s’il y a bien un film qui ressort de cette année-la, c’est Psychose. À l’occasion de la rediffusion du film au cinéma Les Fauvettes dans le 13ème arrondissement de Paris, j’ai eu l’occasion de le voir sur grand écran.

Psychose, le sommet du suspense

Alors à l’apogée de son immense carrière, Alfred Hitchcock sort en 1959 de l’immense succès de La Mort aux trousses. Beaucoup de fans du maître le considèrent comme son meilleur film. Alors auréolé de ce succès, Hitchcock encore indécis sur son prochain film cherche le prochain scénario qu’il adaptera. Rentrant en Angleterre, il achète dans les rayons de l’aéroport le livre Psycho dont l’assistante d’Alfred Hitchcock Peggy Robertson a vanté la qualité.

Alfred Hitchcock

Dévorant le bouquin, il savait qu’il tenait son prochain scénario. Universal Studio achète les droits du livre pour neuf-mille dollars. Pour faire Psychose, le réalisateur souhaite limiter le budget du film à moins d’un million de dollars. Pour se faire, il prendra avec lui l’équipe de l’émission Alfred Hitchcock présente. De plus, il exige que ce film soit tourné en noir et blanc et non en couleur, estimant que la couleur le rendrait trop sanglant.

Anthony Perkins et Janet Leigh

Doté d’un budget dérisoire en comparaison de ses précédentes bombes filmiques, Alfred Hitchcock cherche pour son film des acteurs moins connus. Le réalisateur se plaisait à répéter : « À partir du moment où vous faites appel à une star, vous compromettez largement vos intentions légales ». Il choisit Anthony Perkins pour le rôle de Norman Bates. Obèse et alcoolique dans le roman, Bates devient ici svelte et vulnérable. Anthony Perkins décrira ce rôle comme le pari de sa carrière d’acteur. Pari gagnant car il deviendra une immense star, pari perdant car il sera assigné à ce rôle toute sa vie.

Anthony Perkins

Pour le rôle de Marion Crane, Hitchcock eut une idée qui marquera à jamais les esprits. Plutôt que de prendre une actrice de seconde catégorie, il propose le scénario à Janet Leigh. Pourquoi Janet Leigh ? Car c’est la star la plus talentueuse et financièrement accessible qu’il ait trouvé. Son personnage se faisant tuer avant la moitié du film, l’impact de sa mort sera immense sur le spectateur qui comme moi la première fois, s’attendait à la voir tout le film.

La scène de la douche

La fameuse scène de la douche de Psychose, est l’une des séquences les plus marquantes de l’histoire du cinéma. Intervenant seulement quarante-cinq minutes après le début du film, nombre de gens connaissent la scène sans avoir vu le film. Parodié mille fois, imité mais jamais égalé, décortiquons ensemble cette pièce maîtresse du septième art.

Cent quatre-vingts secondes de légende

Le maître du suspense savait d’avance que cette scène serait le pinacle de son film. Pour la mettre en boîte, Alfred Hitchcock et son équipe passèrent sept jours à la tourner. Cela représente un tiers du temps de tournage pour une scène ne durant que cent quatre-vingts secondes. Pour diriger pleinement notre regard et éveiller notre tentation de voyeurisme devant cette femme séduisante prenant sa douche, toute la salle de bain est blanche. Ainsi, rien ne vient nous distraire. Pour l’assassinat, des melons furent utilisés pour créer les bruits de coups de couteau. Quant au sang, c’est le coulis de chocolat qui fut retenu. Eh oui, le noir et blanc permet de tricher là-dessus. Le rendu final est ainsi très réaliste.

« La construction de cette scène est très ingénieuse. Car à partir de là, Hitchcock réussit à mettre en scène non plus ce que le spectateur voit réellement, mais ce qu’il croit voir. Il signe ce coup de maître grâce au montage et le public, pris dans l’action se laisse emporter. Chaque coupure est comme un coup de couteau. Le public se prend à croire, finalement, qu’il s’agit d’un coup de couteau, quand ce n’est qu’une coupure. Le mot coupure est d’ailleurs bien choisi. » Janet Leigh

Psychose, le calvaire de Janet Leigh

Réputé pour torturer ses actrices durant les tournages, le plan final de la scène fut un calvaire pour l’actrice Janet Leigh. En effet, la transition du trou d’évacuation de la douche à l’œil inanimé de Janet Leigh (transition légendaire), fut un plan compliqué à tourner. L’actrice devait rester totalement inanimé, immobile, les yeux ouverts et le regard vitreux. Le tout pendant plusieurs dizaines de secondes le temps de faire un long travelling arrière. La mise au point automatique n’existant pas encore à cette époque, il fallait la faire manuellement. C’est un exercice très compliqué demandant une précision chirurgicale.

Mr. Milton Arbogast

La deuxième scène de violence du film est sans aucun doute la mort du détective privé Milton Arbogast. Alors infiltré dans la maison Bates et à deux doigts de découvrir la vérité, il se fait attaquer. Mais une problématique vint compliquer la mise en place de la scène. Il faut donner à cette mort de l’impact, sans révéler l’identité du tueur. Pour arriver à cela, Hitchcock eut l’idée de filmer une partie de la scène d’un point de vue très haut. Ainsi, l’illusion est parfaite. Quant à la chute, des rails de travelling furent installés sur les escaliers pour filmer la descente sans acteur. Ensuite, Arbogast fut installé devant un écran transparent où il joua la perte d’équilibre en agitant les bras.

Arbogast

Mme. Bates

Le dernier climax est évidemment la scène finale dans la maison Bates qui se déroule dans la cave. Lila, la sœur de Marion, trouve enfin la mère de Norman Bates et se rend compte de l’horrible vérité. Mme Bates est morte depuis longtemps, ce qu’elle a en face d’elle n’est que le cadavre empaillé de celle-ci, coiffée d’une perruque. À ce moment-là, Norman Bates travesti en femme surgit dans la pièce pour tuer Lila, mais celle-ci est sauvée par Sam, l’amant de sa sœur Marion Crane qui n’aura pas la même chance que Lila.

La mère de Norman Bates

L’apparition finale de la mère demanda d’installer un mécanisme sur la chaise pour faire tourner le fauteuil. L’accessoiriste devait s’allonger pour faire tourner les roues. Cela prit plusieurs soirées de répétitions. Quant au choix du visage squelettique de la mère, Janet Leigh nous raconte une anecdote :

« M. Hitchcock avait un grand sens de l’humour, il était très malicieux. Il aimait blaguer et jouer des tours aux gens, c’était parfois salace… Je lui ai souvent servi de cobaye à cet égard. En revenant de déjeuner, j’allais me changer dans ma loge, me faire maquiller et me préparer pour la suite du tournage. Et là, en me retournant, je découvrais l’horrible visage de la mère ! Comme je le dis souvent pour plaisanter : « Je pense qu’il a choisi la mère en fonction des cris que je poussais ». Elle était à chaque fois différente et il a choisi celle qui m’a arraché le cri le plus horrible. » Janet Leigh. Cet Alfred, quel farceur !

Psychose, légendaire

La rediffusion de Psychose en salle plus de soixante-deux ans après sa sortie fut un bonheur. Découvrir ce chef-d’œuvre absolu en salle de cinéma permet d’en comprendre toute la puissance. Absorbé par ce casting cinq étoiles devant ce grain de pellicule si charmant, je ne pouvais que replonger dedans comme si je le voyais pour la première fois. Que ce soit devant la scène de la douche ou le monologue de fin de Norman Bates, mes frissons furent les mêmes.

Psychose, scène de la douche

C’était un plaisir pour moi de revenir sur Psychose d’Alfred Hitchcock. Est-ce son meilleur film ? Je ne sais pas et je n’ai pas envie de choisir tant le maître du suspense à réaliser un nombre étonnant de chefs-d’œuvre. Mais ce qui est clair, c’est que Psychose est l’un des mes fils favoris. Pour les chanceux qu’il ne l’aurait pas encore vu, je vous invite de tout cœur à le voir. Au-delà des classements très subjectifs sur l’appréciation des films, il est objectivement valable de placer Psychose comme l’un des films les plus importants de l’histoire du cinéma, tant son influence fut gargantuesque (on n’a pas souvent l’occasion de placer ce mot dans une phrase, comme dirait Elle Driver dans Kill Bill).

Ma note pour Psychose : 20/20

Psychose sur IMDb : https://www.imdb.com/title/tt0054215/

Michel-Ange LUBRANO