0

Reservoir Dogs de Tarantino #3 : pourquoi c’est indépassable ?

avril 4, 2022

Pourquoi Reservoir Dogs est indépassable ?

Retrouvez la seconde partie de ma chronique sur Reservoir Dogs de Quentin Tarantino ici (j’y aborde son casting cinq étoiles).

Trente ans après la sortie de Reservoir Dogs, Tarantino n’a jamais su dépasser le génie absolu de ce premier film. Analysons ensemble pour quelles raisons.

Fanart de Quentin Tarantino

L’utilisation du hors champ

L’écriture de génie de Tarantino ne se limite pas à la construction de personnages solides et complets en quelques répliques. Il donne du travail à notre imagination par une utilisation habile de suggestions et hors champs. L’exemple le plus évident est le braquage de la bijouterie qui n’est pas montré. Pour un film de gangsters, c’est très cocasse. Dès lors, chacun s’imagine comment ce hold-up a pu tourner au vinaigre.

Durant l’introduction et les flash-backs, les personnages parlent de leurs goûts quotidiens ou d’anecdotes sur des musiques. L’histoire de la glu et d’Eloïs, la blague des toilettes et du deal de drogues. Tout cela donne de l’épaisseur aux personnages.

Exemple : Mr. Blonde s’est vu attribuer le surnom « d’homme au cure-dent ». Cette simple réplique donne au personnage de Vic Vega une histoire qui dépasse celle racontée dans Reservoir Dogs. Les personnages de Quentin Tarantino ne sont pas coincés dans une timeline qui se tient entre le début et la fin du film. Ils racontent tous une histoire passée permettant au spectateur de faire travailler son imaginaire.

Fanart de Mr. Blonde dans Reservoir Dogs de TarantinoL’homme au cure-dent.

Tarantino applique ce procédé pour transcender ses personnages et rallonger dans notre esprit la durée de vie du film. Comment Mr. Brown en est-il arrivé à cette interprétation loufoque de Like a Virgin? Pourquoi Mr. Pink ne donne pas de pourboire? Que faisait Mr. White avec cette fille Alabama dont il parle à Joe ? Pour anecdote, « Alabama » est le nom de l’héroïne de True Romance, film écrit par Tarantino en personne.

Trois exemples d’hors champs dans la filmographie de Tarantino

L’origine d’O-Ren Ishii dans Kill Bill. On peut s’imaginer son ascension de tueuse via les quelques éléments de nous donne le flash back animé de ses débuts.

Lucy Liu en Oren-Ishii dans Kill Bill de TarantinoOren-Ishii.

Les années à Amsterdam de Vincent Vega dans Pulp Fiction. Celui-ci nous donne suffisamment d’éléments pour que l’on imagine ses activités et hobbies là-bas.

Quand Kurt Russell passe sa main dans ses grandes moustaches dans Les Huit Salopards. Ce simple geste témoigne d’une histoire passée chez cet homme l’ayant amené à ponctuer certaines phrases par ce geste pour le moins atypique.

Ces trois éléments amplifient tous à un degré plus ou moins important la personnalité des personnages écrit par notre réalisateur et scénariste du jour.

Le grain de folie de Tarantino

En appliquant ma grille de lecture, seul Pulp Fiction atteint Reservoir Dogs dans sa subtilité et sa folie. Ne vous y trompez pas, j’aime tous les films de Tarantino. Disons que pour un 20 attribué à Reservoir Dogs, je mettrais un 17,5 aux Huit Salopards. Cela vous laisse comprendre mon estime pour lui. Cependant, passé Pulp fiction, ses films ont perdu un grain de folie que notre Quentin préféré n’a à mon avis pas retrouvé par la suite.

La scène de danse dans Pulp Fiction de Quentin TarantinoPulp Fiction a le grain de folie de Reservoir Dogs.

L’efficacité sans concessions

L’un des arguments supplémentaires de ma plaidoirie est l’efficacité. Déjà, certainement faute de budget, c’est le film le plus court de Tarantino, à peine une heure et demie. Mais cette heure et demie de métrage est bien plus riche en développement qu’un nombre incalculable de films frôlant les trois heures, pour une raison simple, il ne fait aucune concession.

À cette époque, il n’y avait aucune case de charte wokiste minable à cocher. Nous avons ici un casting de huit blancs américains, huit enflures mettant du cœur à rester telle quelle.

Faites entrer les répliques racistes, misogynes et homophobes. De plus, il n’y a aucune femme dans le film-ci ce n’est une pauvre conductrice qui se fera traiter de salope par Mr. Pink. Tarantino ne s’embarrasse pas de faire attention à ne pas choquer quelques individus trop susceptibles pour évoluer sur notre planète. Reservoir Dogs est violent, cru, ultra efficace et pas catholique pour un pourboire.

Un diamant brut

Dès lors, on ne peut que s’incliner face à ce bijou. C’est une leçon sur le rythme et le développement de personnages. La construction d’un récit en puzzle et la direction d’acteur ont changé la façon de faire un film.

Merci d’avoir pris le temps de lire ces trois articles sur Reservoir Dogs, je vous invite tous à le revoir. Si vous ne l’aviez pas apprécié la première fois, redonnez-lui une chance. Si cette chronique en trois articles vous a intéressé, vous pouvez laisser un commentaire plus bas.

Ma note pour Reservoir Dogs : 20/20

Michel-Ange LUBRANO